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Analyse critique en contexte de pandémie COVID-19

Dernière mise à jour : 29 oct. 2020

Servons-nous de la crise et de ce mouvement de solidarité pour prospérer à une société plus juste et équitable

Œuvrant dans le domaine de la santé mentale depuis quelques années, mon quotidien est témoin de la souffrance humaine et de la misère sociale. Aujourd’hui, plus que jamais, les problématiques vécues par la population se surajoutent aux autres : détresse psychologique, pauvreté, violence conjugale, itinérance et dépendance. Impuissance, tristesse, indignation et incompréhension sont parmi les sentiments multiples qui habitent ces personnes vulnérables. La réponse gouvernementale pour les aider dans le quotidien est insuffisante.

Pourtant, les conséquences sont bien réelles : peur, pleurs, insomnie, famine, malnutrition, pertes de contrôle, blessures, suicide. Alors que l’humanité s’unit à la cause du COVID-19 et que les gouvernements ont un budget quasi-illimité pour faire face à cette pandémie, ces personnes vivent avec ces répercussions jour après jour, en plus de devoir conjuguer avec les enjeux actuels.

Je prends donc la parole pour ceux qui n’ont pas l’énergie à pouvoir se défendre, compte tenu de la lourdeur et de la complexité associées à leur réalité quotidienne.

Je remercie à cet égard l’ensemble des travailleurs de la santé et des services sociaux de veiller à la contribution d’une société plus en harmonie. Je remercie parallèlement l’ensemble des services essentiels, qui travaillent dans des conditions extraordinaires.

L’humanité vit actuellement une crise : une crise sanitaire. Non, nous ne sommes pas en guerre contre la COVID-19. Alors que la crise est une « rupture d’équilibre entre la production et la consommation, caractérisée par un affaiblissement de la demande, des faillites et le chômage » (Larousse, 2020), la guerre est une lutte entre des personnes qui entraîne de l’hostilité (Larousse, 2020).

Oui, certains sont en guerre contre leur humanité. En guerre contre notre humanité, parce que je suis témoin de haine, de rage et d’acharnement.

Par exemples, certains s’acharnent, à tort, à tenir responsable les personnes vulnérables de leur précarité. Je vois des personnes qui se sentent coupables, honteuses et misérables de leurs difficultés vécues, alors que la cause est davantage macrosociologique, c’est-à-dire qu’elle appartient aux institutions sociales, aux systèmes sociaux et aux structures sociales.

 

La peur au front

Cette guerre, c’est celle que nous livrons contre nous-mêmes, c’est celle que nous livrons contre notre espèce, contre nos confrères. C’est celle qui, sous le couvert de la peur, nous amène à n’importe quelle décision extrême (Shaw, 1926, cité par Boyer, 2018), comme ces gens qui détruisent des vies humaines pour se protéger ou pour défouler leur rage intérieure. Comme ces dirigeants qui refusent d’aider d’autres nations ou qui volent les matériels médicaux des autres. Cette guerre, c’est donc celle qui conduit les gens à faire état de méfiance et d’hostilité envers leur prochain. C’est aussi celle qui aimerait lapider ceux qui osent enfreindre les règles établies dans notre présent contrat social : restez chez soi durant la COVID-19.

Toutefois, certains aussi font preuve d’une générosité exemplaire. Du support aux plus démunies à l’entraide vis-à-vis les personnes âgées, une majorité d’entre nous se montre solidaire. Une majorité d’entre nous s’implique pour le bien-être des autres.

Comme nous pouvons le constater via les mesures et stratégies mises en place, contrer cette pandémie est une responsabilité individuelle, sociale et politique. Il en est de même pour les problématiques citées ci-haut, bien que la structure politique en place et l’opinion populaire se déresponsabilise majoritairement de celles-ci, laissant pour contre ces personnes souffrantes. La raison sous-jacente ?

Nous n’avons pas peur de ces problématiques sur lesquels nous pouvons agir pour éviter la révolte : certains savent pertinemment qu’ils ne pourront pas le faire alors qu’ils sont enfoncés dans les bas-fonds des tunnels.

Pour voir la détresse dans les yeux des personnes que j’accompagne dans leurs difficultés respectives, aucun d’entre nous ne veut vivre leur calvaire. Alors que nous avons la liberté de choisir à l’épicerie, l’angoisse les habite pour nourrir leurs enfants. Alors que notre quotidien peut s’avérer parsemer de joie et de bonheur, le suicide devient parfois leur porte de sortie, à tort.

Par contre, force est de constater que depuis le début de la crise, les fonds publics servent également à venir en aide aux personnes qui vivent de l’insécurité alimentaire, de la détresse psychologique, de la violence conjugale ou une situation d’itinérance. Nous devons être dans la capacité de renforcer les actions et les bienfaits des décisions gouvernementales lorsque vient le temps !

 

Dans l’histoire de l’ère ancienne et moderne, il y est établi que les « sociétés offrant un sol fertile aux peurs existentielles produisent toutes le suivisme conformiste et la soumission à l’autorité » (Negt, 2007, cité par Boyer, 2018). Ici, notre peur existentielle est provoquée par la méconnaissance du COVID-19 qui entraine l’utilisation de moyens extrêmes pour contrôler la propagation et l’ampleur de cette pandémie… parce qu’elle ne touche pas qu’un groupe cible, un groupe à risque ou les personnes vulnérables. Petits comme grands, pauvres ou riches, nous y sommes tous confrontés. Tous doivent donc être alertés et s’y mobiliser.

Ainsi, l’accentuation des nouvelles sensationnalistes sur le nombre de cas et de décès reliés au COVID-19, de même que son omniprésence dans les médias, contribuent à nos peurs et à la glorification, à l’état d’hyper vigilance, à la surestimation du risque et à la perte de repères existentielles face à cette maladie – il ne faut toutefois pas banaliser la situation ou la sous-estimer, étant donné que les conséquences sont effectivement réelles. Le gouvernement prend actuellement les moyens nécessaires pour enrayer la crise.

Toutefois, en réponse à celle-ci, certains développent de l’adversité, de l’agressivité et de l’animosité envers autrui. Pourtant, les ravages des problématiques nommées sont d’autant plus dévastateurs. Pour répondre à certains détracteurs : non, rétablir la peine de mort contre les fautifs et exterminer sa propre race n’est pas une réponse appropriée. Nous ne sommes plus dans le temps du Führer, nous n’avons donc pas besoin d’être un soldat hostile en réponse à la soumission autoritaire. D’autres, néanmoins, se développent des qualités de Mère Thérésa. Des personnalités publiques à des personnes moins aisées, les dons effectués aux personnes dans le besoin se font sans répit.

Dans mon quotidien au travail, l’expérience démontre que l’anxiété peut contribuer à un état psychique mésadapté qui peut accentuer les inquiétudes des personnes souffrantes de manière disproportionnée et irrationnelle. En d’autres mots, elle peut occasionner de l’anticipation et des scénarios catastrophiques de manière constante et perpétuelle. C’est celle qui, sous le couvert de l’insécurité, nous a amené vers la ruée du papier hygiénique et des armes à feu.

Alors que vos pensées anxiogènes vous habitent temporairement pendant cette crise, certaines personnes sont aux prises avec celles-ci au quotidien, entre autres causé par leur détresse, leur précarité et leur vulnérabilité. Avant que celle-ci ne nous amène davantage à prendre des décisions extrêmes inconcevables, recentrons-nous et ressourçons-nous dans l’instant présent. Cessons dès lors d’être guidés par nos anticipations démesurées et nos insatisfactions vécues en réponse à nos sacrifices personnels actuels. Laissons plutôt place à la solidarité et à l’entraide, tel que le font également les industries et les indépendants dans la création de matériels médicaux.

 

Le moteur du changement : l’indignation

Depuis le début de cette crise, c’est cette indignation, soit ce sentiment de colère qui heurte notre conscience morale et notre sentiment de la justice (Larousse, 2020), qui a amené certains d’entre nous à développer une forme de haine et de colère vis-à-vis notre prochain. Et si nous apprenions à gérer cette dernière autrement ? Notons ici que c’est lorsque cette indignation est présente que nous pouvons entamer un mouvement de protestation et de revendication, pour ainsi produire un processus de changement viable, en vue d’établir un nouveau contrat social. Face à cette crise, n’est-il pas temps de reconsidérer l’ordre établi de notre structure sociétale, en questionnant nos manières de faire et nos traditions ?

Les problèmes collectifs sont le résultat de relations d’oppressions et de dominations, qui elles sont inhérentes aux systèmes économiques et politiques qui reproduisent les classes sociales propres aux systèmes capitalistes (source inconnue, s.d.)

Vers un renouveau ?

Depuis des semaines, le Gouvernement du Québec martèle haut et fort que chaque décès est « un de trop » et que nous allons évaluer notre efficacité face à cette crise en considérant le nombre de décès durant la crise. Il a tout à fait raison : j’aimerais d’ailleurs offrir personnellement mes sympathies aux familles touchées. En ce sens, nous comprenons ici que la véritable richesse d’un pays, d’une société ou d’une nation, ce sont ses habitants : le but du développement politique, social et collectif est alors de créer un environnement qui permette aux gens de jouir de vies longues et saines (Bertin, 2008), n’est-ce pas ?

 

Quand est-il des actions gouvernementales face à la pauvreté et la famine ?

A cet effet, la Commission des droits et libertés et des droits de la jeunesse, qui est l’organisme responsable de l’application de la Charte des droits et libertés du Québec, considère que les exclusions qu’entraine la pauvreté s’avèrent incompatibles avec l’exercice effectif du droit à l’égalité (CDPDJ, 2000). Cela veut donc dire que les personnes pauvres et à faible revenu n’ont pas la même égalité devant le droit à la vie et à l’intégrité physique, le droit à la liberté et à la sécurité des personnes, et le droit à un niveau de vie décent, pour ne nommer que ceux-là. Je le réitère ici : alors que nous avons la liberté de choisir à l’épicerie, l’angoisse les habite pour nourrir leurs enfants. Alors que notre quotidien peut s’avérer parsemer de joie et de bonheur, le suicide devient parfois leur porte de sortie, à tort.

Les inégalités économiques présentes dans la société ont donc pour conséquence d’affecter l’espérance de vie et la santé des personnes en situation de pauvreté (CDPDJ, 2000). Au Québec seulement, près de six années séparent l’espérance de vie des hommes pauvres et de celle des hommes riches, alors qu’entre territoires, cet écart varie de plus de 10 ans (Santé Montréal, 2020).

Cela n’est pas étonnant quand nous considérons que de « fortes disparités de revenus sont toujours génératrices de phénomènes de paupérisation des classes moyennes et d’aggravation des conditions de vie des classes laborieuses » (Koubi, s.d., p.363).

En bref, ne serait-il pas intéressant que la Direction de la santé publique applique le même traitement, que celui actuellement en cours contre la pandémie, en vue de contrer, de manière viable, les répercussions d’autant plus chronique, sévère et dévastatrice de la pauvreté ? Celle-ci est le plus grave problème de droits et libertés dans notre province (CDPDJ, 2000). Il serait aussi intéressant que les gouvernements actuels récidives leur financement à l’égard des problématiques sociales pour lesquels ils ont décidé de contribuer en ces temps difficiles.

Chaque mort reliée à la pauvreté pourrait ultimement être évitable, si nous agissions sur les conditions de logement, sur l’insécurité alimentaire, sur les conditions de travail, sur l’accessibilité scolaire, sur la sécurité d’emploi, sur le filet de protection sociale et sur le système de santé et de services sociaux.

Chaque jour, mon quotidien vise à renverser les répercussions associées à ce manque d’implication gouvernementale. Trop souvent, ce sont des souvenirs et des relations éteintes, entre autres dû à ce manque. Actuellement, le gouvernement prend conscience de leur pouvoir politique et de l’importance d’un mouvement de solidarité. Ils font des actions pour que le slogan populaire prenne forme dans la vie des gens : ça va bien aller ! Soyons solidaires pour que cela perdure !

 

Quand est-il du financement dans le réseau de la santé et des services sociaux ?

Pour traverser cette crise et cette pandémie, les mesures établies permettent de réduire le risque de propagation et le nombre de cas nécessitant une aide-hospitalière. Cela a pour but que le réseau de la santé soit dans la capacité de répondre à la demande et prodiguer les soins nécessaires aux personnes diagnostiquées de la COVID-19. Aujourd’hui, nous considérons enfin l’importance de ces « anges gardiens », c'est-à-dire de ces travailleurs de la santé et des services sociaux, bien qu’ils soient sous-protégés, tels que maintes fois décriées dans les dernières semaines. En temps de crise, il est vrai que les situations évoluent constamment et rapidement. L’importance est alors d’en prendre conscience rapidement et d’agir, afin de contrer les répercussions associées.

Cependant, entre 2014 et 2016, dans un spectre large reliée aux mesures d’austérité, le Gouvernement provincial a coupé plus de 4 milliards de dollars dans le réseau de la santé et des services sociaux (IRIS, 2020). Ces mesures visaient une réduction des ressources investies, dans le but de pouvoir équilibrer les finances publiques de l’État, par diverses compressions budgétaires. Bien que cela ait été réitéré et critiqué maintes fois dans les médias, nous en subissons actuellement le contre-choc et les conséquences qui étaient décriées au haut et fort par divers organismes, personnalités publiques et travailleurs de la santé et des services sociaux de l’époque.

Alors que le budget est actuellement quasi-illimité et chiffré en centaine de milliards de dollars, des vies humaines semblent donc avoir été sacrifiées indirectement pour une rentabilité économique.

La cause ? Celle reliée au discours politique de privatisation qui était mis de l’avant par l’idéologie néo-libérale, en vue de rechercher, sans tenir suffisamment compte de l’espérance de la vie humaine, une efficacité économique.

Nous en subissons actuellement les conséquences. Cette notion économique, c’est d’ailleurs celle avec laquelle ces travailleurs de la santé et des services sociaux doivent conjuguer chaque jour, lorsque le réseau privilégie la quantité et la statistique, au-delà de la qualité et de la relation. Depuis le début de cette crise, le réseau de la santé semble surtout privilégier la prévention et le bien-être effectif : il serait intéressant que l’intensité des actions en ce sens perdure dans le temps, c’est-à-dire post-crise.

 

Quand est-il des actions préventives au détriment du curatif ?

Aujourd’hui, notre approche sociétale et internationale est donc préventive face à cette crise. Nous comprenons ainsi l’importance d’agir en amont pour éviter une catastrophe. Or, l’approche habituelle du gouvernement provincial, qui a provoqué l’accentuation et l’intensification de la centralisation du réseau de la santé, depuis l’instauration de la réforme Barette, à contribuer à l’explosion des listes d’attente, à l’utilisation à pleine capacité des urgences hospitalières et à une approche majoritairement curative.

Nous sommes confrontés à un manque de ressources, à une augmentation des exigences et à des pressions constantes, ce qui amène nos collègues à l’épuisement. Le phénomène est généralisé : la cause est particulièrement structurelle, ministérielle et organisationnelle. Les listes d’attentes débordent et pèsent lourd sur les techniciens, professionnels et médecins, pendant que la population attend dans sa souffrance et sa misère sociale.

Aujourd’hui, ce sont, entre autres, ces « anges gardiens » qui aident à limiter les dégâts reliés à cette crise. Dans tout ce mouvement, les dirigeants tentent alors de faire preuve de créativité dans la réponse aux besoins, mais les défis à surmonter s’avèrent nombreux.

D’un point de vue fédéral, si nous conjuguons santé et pauvreté, près de 20 % des dépenses en santé au Canada sont imputables et liées à des facteurs socioéconomiques, comme les écarts au chapitre du revenu (CNB, s.d). Pourtant, alors qu’on prive les familles pauvres d’un revenu moyen adéquat, une étude démontre qu’une implication gouvernementale fédérale, via une aide financière directe atteignant les 397 milliards de dollars par année, permettrait d’économiser près de quatre fois cette somme (CNB, s.d.).

Au Québec, cela éviterait ainsi d’avoir à contrer les multiples conséquences directes et indirectes reliées à la pauvreté, dont les listes d’attentes, la hausse des signalements à la DPJ et l’utilisation des urgences hospitalières. Cela permettrait alors de contribuer au bien-être, à l’épanouissement et à la prospérité de certaines personnes vulnérables.

Malgré tout, nos gouvernements refusent d’utiliser, la plupart du temps, cette approche préventive. À titre comparatif, en 2018, c’est 353,1 milliards de dollars qui ont été envoyés dans des paradis fiscaux au Canada (Martinez, 2019). Et si on agissait concrètement contre ceux-ci ?

Il serait grand temps que l’ensemble de ces questions soit soulevé de nouveau auprès de nos dirigeants, pendant que leur tribune est quotidienne.

Nous pouvons juger de leur efficacité en temps de crise, mais nous devons surtout le faire lorsque vient le temps de contrer les enjeux fondamentaux de notre société sur le long terme.

Plus que jamais, les travailleurs de la santé et des services sociaux, de même que les personnes vulnérables de notre société, ont besoin de votre indignation et de votre élan de solidarité.


 

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